DELVILLE WOOD

LONGUEVAL - SOMME - FRANCE

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B.E.F., France

21 juillet 1916

Ma Chère Mère,

C'est avec un coeur très attristé que je m'assois pour vous écrire ces quelques lignes.

Nous sommes maintenant à quelques kilomètres de la ligne de feu, ayant juste sorti du Bois (Delville). Après cinq jours d'une horreur absolue, le pauvre Angus Brown (1), mon copain, a succombé à ses blessures après environ trois heures d'atroces souffrances. Il avait eu les deux pieds arrachés par un obus le 18 juillet.

Je souhaite que vous en informiez Mrs et Mr Brown. Je l'ai vu un peu après qu'il ait été touché. Il était tout à fait conscient et montrait un véritable cran. Il m'a même demandé une cigarette. Je lui ai donné de l'eau, et la seule plainte qu'il fit à ce moment fut  "Mon Dieu, Fred, la douleur est atroce, et ils ne peuvent rien me donner pour la calmer". J'ai couru vers le poste de secours voisin et demandé au docteur de me donner quelques pillules de morphine. Quand je suis revenu au poste de secours dans le bois, Angus avait été déplacé, et au moment où je l'ai découvert dans un autre poste de secours, il était en train de s'éteindre. Je l'ai entendu me dire, "J'aurai voulu que l'obus me tue". Je ne pus rester jusqu'à la fin, mère, car je devais retourner en première ligne, où nous étions très harcelés. Angus était un vrai héros. Je ne m'imaginais pas qu'il allait mourir  ; il semblait si joyeux. J'ai eu un grand chagrin, Je n'ai pu l'aider. Quand nous reçumes l'ordre de nous replier sur un lieu de ralliement, tout ce que nous pûmes rassembler furent 29 hommes. De notre belle brigade sud-africaine qui partit au combat forte d'environ 4000 hommes, il n'en restait environ que 300. Bien sûr, un assez grand nombre avait été blessé. Il ne nous restait plus d'officier, le Captain Jackson (2) et le Captain MacLachlan (3) et deux Lieutenants tués, et les deux autres blessés. Je suis le seul sous-officier qui reste de la compagnie C, et je suis seulement Lance Corporal et en charge de la compagnie C. Maintenant vous pouvez juger ce que nous avons affronté, et juste pour un petit bois.

Vous savez à quoi ressemble un bois quand les arbres sont couverts de feuilles, et c'était à cela qu'il ressemblait quand nous les en chassâmes. Depuis ils nous y ont continuellement bombardé avec des centaines et des centaines de canons, et maintenant c'est comme s'il y avait un ou deux poteaux plantés dans le sol.

Hier ils nous ont donnés dix pleines heures de bombardement avec des canons de tous calibres et des obus de toutes sortes - lacrymogènes, gaz, etc, ainsi que quelques Jack Johnsons (4) qui vous projettent à 30 mètres de là où vous étiez quand ils s'abattent près de vous. Comment j'ai survécu, mère, je ne peux le dire, et je suis - et je n'ai pas honte de le dire - un des nombreux qui priaient pour être touchés, complètement épuisés, rien à manger ou boire depuis deux jours, à cause du feu ennemi, et pas de sommeil depuis une semaine.  Je vais bientôt aller vers un repos bien mérité. Je ne me suis pas lavé ou rasé depuis trois semaines, et mon visage est si tiré, que je parierai que si je me présentais devant vous, vous ne me reconnaîtreriez pas.  McCaffery (5) a reçu une mauvaise blessure au cou, et qu'il soit sorti du bois ou non, personne ne le sait. 

Faîtes savoir aussi à Gracie que le jeune Rowe (6), lequel a écrit à Vilma il y a quelque temps, a aussi été tué. Dites aussi à Katie que je me suis renseigné à propos de son cousin Fred et appris que lui et plusieurs autres avaient été pulvérisés par un obus. Transmettez leur tout mon amour, mère, et dites leur que je suis désolé et que je ne peux leur écrire, mais que je suis réellement trop fatigué, je ne peux garder mes yeux ouverts.

Au revoir, Beaucoup d'amour

FRED